
Iimprimer en 3D à l’aide d’un vidéoprojecteur
Des chercheurs américains ont développé un étonnant prototype d’imprimante 3D fonctionnant… à l’aide d’un simple vidéoprojecteur ! Explications.

Cette reproduction du célèbre Penseur de Rodin a été obtenue en solidifiant une résine plastique… grâce à la lumière d’un vidéoprojecteur.NATURE VIDEO
L’impression 3D classique procède par ajout de matière prise sur des bobines de fil de plastique chauffée à l’extrudeuse. Cela vous semble laborieux ? Une équipe de chercheurs et d’ingénieurs américains de l’université de Berkeley et du Lawrence Livermore National Laboratory(LLNL) pourrait bien changer la donne. Ces derniers ont conçu un prototype capable de “sculpter” un hydrogel liquide de méthacrylate de méthyle (qu’on connaît, sous sa forme solide, sous le nom commercial de plexiglas)… grâce à un simple vidéoprojecteur !
De quoi sculpter des objets avec une résolution très fine
Le mélange liquide est en effet photosensible : les composés plastiques se polymérisent et solidifient sous l’effet des rayons lumineux. Il suffit alors de projeter une vidéo décrivant l’objet sous tous les angles, tandis que le récipient contenant le liquide tourne sur lui-même. Peu onéreuse, la technologie, brevetée par les chercheurs, permet de sculpter des objets en atteignant une résolution très fine : jusqu’à 0,3 mm. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Science.
Crédits : Science
Une approche inspirée par le scanner médical
Les auteurs rapportent s’être inspirés du fonctionnement du scanner médical afin de concevoir leur machine, en “inversant” le fonctionnement de l’engin. Là où le dispositif d’imagerie envoie des rayons X sous plusieurs angles afin de projeter des images en deux dimensions, par la suite recombinées en 3D, les chercheurs projettent des images 2D successives sur une substance liquide photosensible, qui se solidifie sous l’effet de la lumière visible. La technique a été baptisée Computed Axial Lithography (CAL), par analogie au terme CAT (Computer-assisted tomograhpy) qui désigne la scanographie classique.
POLYMÉRISATION. Ce n’est toutefois pas la première fois que les ondes lumineuses sont utilisées pour l’impression 3D. En stéréolithographie (une famille de procédés utilisés en impression 3D), on utilise depuis plusieurs années ce phénomène de photopolymérisation, qui permet de solidifier les couches successives de résine ajoutées sur un objet en cours de prototypage. Sauf que jusqu’à présent, cela était fait au laser, pas à la lumière visible. Et surtout, l’approche était incrémentale : il fallait réaliser plusieurs passage. Alors que le nouveau dispositif permet de “sculpter” un objet entier en une seule fois !
Comme un tour de potier 2.0
Avant cette publication, les chercheurs avaient déjà travaillé sur la photopolymérisation du méthacrylate sous l’effet du laser, et conçu une première machine dotée de 3 rayons lasers. “Le dispositif permettait d’obtenir des prototypes très rapidement, mais il était faible lorsqu’il s’agissait de forme géométriques” plus douces, dotées de peu de reliefs, explique dans un communiqué le co-auteur Hayden Taylor, professeur à l’université de Berkeley. “La clé, pour nous, a été d’envisager que le matériau puisse être en rotation, ce qui facilite l’obtention de formes symétriques.” D’où le prototype final : un vidéoprojecteur classique émet la vidéo du modèle vers le récipient en rotation contenant le matériau à sculpter… ce qui permet de contrôler la réaction de photopolymérisation.

Le prototype permettant d’imprimer en 3D à partir d’un vidéoprojecteur / Lawrence Livermore National Laboratory
ALGORITHMES. En utilisant un tour plutôt que plusieurs sources lumineuses distinctes, les chercheurs gagnent en finesse. En effet, la vidéo projetée décrit une sorte de panorama à 360° de l’objet à sculpter, qui contient 1440 images successives, sous tous les angles autour de l’axe vertical. Pourtant, les images projetées ne correspondent pas tout à fait au modèle 3D “brut” que l’on souhaite obtenir. “Nous projetons des images qui traversent le volume entier”, précise le doctorant Indrasen Bhattacharya, co-auteur de l”étude. “Il nous faut tenir compte, dès le début, de l’impact de toutes les images successives sur la géométrie finale, et calculer leur effet cumulé. Sans les bons algorithmes, cela ne fonctionnerait pas.”

Extrait de l’étude publiée dans Science
Des applications dans le domaine des prothèses médicales et de l’aérospatiale
Autre intérêt de la méthode : elle permet de limiter les déchets plastiques générés ! En effet, seule la masse de méthacrylate de méthyle effectivement solidifiée est consommée. Le reste du liquide peut être réutilisé pour une prochaine impression. “Le fait que l’objet solide émerge de l’intérieur du volume et qu’il soit soutenu par la poussée du liquide qui l’entoure nous permet de nous passer de support, c’est une première pour l’impression 3D”, se réjouit Hossein Heidari, également co-auteur.
APPLICATIONS. De quoi lever de nombreuses barrières jusque là infranchissables en ingénierie des matériaux… Et tout cela sans matériel coûteux, puisqu’un simple vidéoprojecteur vendu dans le commerce fait l’affaire. Les chercheurs espèrent désormais déployer leur méthode à des fins plus appliquées, par exemple afin de concevoir des prothèses médicales, ainsi qu’à plus large échelle, notamment dans le domaine de l’aérospatiale.